Journal

Le journal (2019-2022) était une exploration mensuelle de l'actualité. Elle me permettait d'interroger les notions de propriété, de production, de technique, mais aussi les phénomènes collectifs et l'exercice du pouvoir. En les confrontant, j'avais l'ambition de faire émerger une critique des structures et des mécanismes de production de la vulnérabilité et d'identifier des bonnes pratiques. Bonne lecture.

Entrée n°16

Suite à la triple fusillade d'Atlanta le 16 mars dernier, dont six victimes sur huit étaient des femmes d'origine asiatique, de nombreuses manifestations ont eu lieu, durant plusieurs semaines, pour dénoncer la multiplication des discriminations et crimes de haines qui visent la communauté asiatique depuis le début de la pandémie. Adrien Toffolet, citant pour France Inter une élue démocrate, relève que l'utilisation banalisée d'une rhétorique raciste par le camp républicain dans sa bataille politique et économique contre la Chine avait nourri un climat anti-asiatique latent. A la même période, au Kazakhstan, les manifestations se sont multipliées pour dénonçer les investissements chinois dans le pays mais aussi la persécution présumée de musulmans kazakhs turcophones au Xinjiang.

Tous les cabinets d'analyse du secteur informatique (comme Gartner, IDC ou Catalys) s'accordent à dire que le marché a connu une croissance exceptionnelle entre les premiers trimestres 2020 et 2021, portée en particulier par l'équipement des foyer en ordinateurs portables et tablettes afin de répondre aux impératifs du travail à distance. Ainsi, plus de six milliards de machines (smartphones compris, qui comptent pour environ 70% du total) seraient installées dans le monde à l'heure actuelle selon Gartner. Une dépendance grandissante à l'informatique qui irait de pair avec une défiance de plus en plus aigüe envers les nouvelles technologies. Le 12 avril, le Federal Bureau of Investigation (FBI) a arrêté un homme qui projetait de détruire un centre de données d'Amazon Web Service. Selon le ministère de l'Intérieur cité par Jean-Marc Manach dans Nextinpact, 174 sabotages d'infrastructures de télécommunications ont été constatés en France depuis le début du confinement. En regard de ces actes, le journaliste revient sur les résultats du baromètre annuel de la confiance réalisé par le cabinet en communication Edelman. L'enquête conclut à une diminution globale de la confiance dans les institutions (notamment les pouvoirs publics et les médias), à l'exception du secteur privé. Le cabinet note également une défiance grandissante envers la technologie en France, particulièrement à cause de son potentiel impact sur l'emploi et les libertés publiques. Ailleurs, « (c)ette perte de confiance est particulièrement prononcé aux États-Unis (-13 %) et en Chine (-16%), alors même que cela va "à l'encontre des performances étonnantes des entreprises de la technologie en bourse et de notre dépendance collective à l'égard de la technologie pour alimenter le travail à distance et le commerce électronique" » , selon le cabinet cité par l'auteur de l'article.

Les charges à l'égard des cryptomonnaies qui se développent en dehors du système bancaire se multiplient. Dans une analyse de l'entretien d'Isabel Schnabel au quotidien allemand Der Spiegel, dans laquelle l'économiste et membre du Conseil d'administration de la Banque Centrale Européenne (BCE) enchaîne les critiques envers le Bitcoin, Antoine Champagne rappelle qu'une monnaie d'échange repose sur la confiance de ses utilisateurs dans sa valeur et dans l'autorité qui l'émet. En conséquence, le journaliste affirme que « le Bitcoin ne tient que parce qu'il est convertible » en une monnaie émise par une banque centrale, et conclut que « les banques centrales décident toujours de ce qui est une monnaie et de ce qui ne l'est pas ». L'intervention d'Isabel Schnabel sonnerait comme un avertissement pour les cryptomonnaies émises hors système bancaire, certaines autorités nationales (comme récemment en Turquie) ayant déjà pris des mesures contre le Bitcoin, tandis que différentes cryptomonnaies régulées par les états étant à l'étude (comme en Europe) ou en cours de déploiement (comme en Chine). De son côté, l'économiste Jean-Michel Servet évoque dans The Conversation les différences entre le Bitcoin et les monnaies classiques. Le bitcoin serait une monnaie de placement qui « n’enclenche aucune dynamique de circuit économique comparable à celle du crédit bancaire ou de la dette publique » mais dont la « captation de ressources englouties dans des mécanismes spéculatifs au détriment de l’économie productive a bien des effets déflationnistes sur l’ensemble du système économique ». L'auteur pointe également du doigt la concentration de la valeur qui rendrait « intenable » la « promesse d'une monnaie pour tous » : entre 1000 et 2500 comptes détiendraient 40% de la masse de bitcoins.

Echos de la mondialisation

«(C)ette approche permet tout de même de constater que 156 pays dans le Monde ont un PIB inférieur à la fortune de Jeff Bezos. » Nicolas Lambert, cartographe

« Lors de la phase de combat urbain sans robot, j'ai été tué. Mais pas la fois où le robot a effectué la reconnaissance. En revanche on a fait l'expérience de leur autonomie limitée : SPOT s'est retrouvé à court d'énergie en plein assaut. » Un élève officier de l’École militaire interarmes (EMIA) française

Entrée n°15

L'Etat d'urgence, mis en place en France en 2015 suite à des actes de terrorisme puis reconduit en raison de l'épidémie de Covid-19, a servi de prétexte à une numérisation à marche forcée de pans entiers de la société, et en particulier à la généralisation de moyens de surveillance automatisés. Telle est l'observation faite par Hubert Guillaud dans un article publié à la mi-mars, où l'auteur alerte sur les conséquences de cette dynamique : dissolution des collectifs et de la démocratie, dérives de l'État de droit qui tend à sanctionner les intentions, les comportements et les signaux plus que les actes et développement d'une « société de la vigilance », selon l'expression de la chercheuse Vanessa Codaccioni. Face à ces menaces, le projet collectif Technopolice, coordonné par la Quadrature du Net, propose d'utiliser la cartographie collaborative pour « documenter et (...) résister aux déploiements de nouvelles technologies policières. » Une initiative comparable à l'Atlas of surveillance mis en œuvre par l'Electronic Frontier Fondation (EFF), qui montre la généralisation de la surveillance automatique aux États-Unis, en particulier sur les campus universitaires. Mais la cartographie collaborative peut également servir des desseins opposés, comme le signale le blog Cartographie(s) numérique(s) à propos de l'initiative Dorozoku au Japon, qui propose de cartographier les rues bruyantes. Le projet a ainsi pris la forme d'un moyen de dénonciation à l'encontre des enfants bruyants et des utilisations ludiques des espaces publics. Une auto-surveillance de la population qui rappelle l'initiative « Voisins vigilants » en France, tournée en dérision par Geoffrey Dorne et sa proposition de visuels « Voisins Bienveillants » sur son blog Graphisme & Interactivité. Le même blog Cartographie(s) numérique(s) faisait état deux jours plus tard de l'influence grandissante des multinationales du numérique sur les outils libres comme OpenStreetMap, dans lesquels elles investissent de plus en plus et dont elles tirent bénéfice des données, dégradant de ce fait leur portée émancipatrice.

A l'occasion de la Journée internationale de la langue maternelle le 21 février, l'UNESCO rappelle que « 40% de la population mondiale n’a pas accès à un enseignement dans sa langue maternelle », alors que plus de 43% des langues sont menacées de disparition. Et ce, dans un contexte où l'enseignement public dans son ensemble semble se dégrader, selon un rapport conjoint de la Banque mondiale et de l'UNESCO qui relève une diminution du budget de l'éducation dans deux tiers des pays les plus pauvres. Certaines langues sont aussi victimes de politiques d'effacement, à l'image de la récente décision du gouvernement chinois de remplacer l'enseignement en langue mongole par le mandarin dans la région autonome de Mongolie Intérieure, suscitant des manifestations à travers toute la région. Une politique déjà menée ces dernières années au Tibet ou au Xinjiang, mais aussi dans de nombreux pays au cours du XXème siècle, comme en France. Une proposition de loi relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion doit y être définitivement adoptée ou rejetée par le parlement en avril. La proposition de loi contient des dispositions pour donner aux langues régionales le statut patrimonial de « trésors nationaux », autoriser l'usage de signes diacritiques (comme le tilde) dans les actes d'état civil et contient deux mesures très discutées concernant l'enseignement. La loi doit d'une part généraliser l'enseignement facultatif des langues régionales dans le public, mais également contraindre les communes de résidence qui ne disposent pas d'écoles bilingues à participer au financement des écoles privées en langues régionales. Une proposition qui divise, alors que la pandémie et les coupes budgétaires ont mis l'éducation nationale sous pression financière.

Échos de la mondialisation

« Les bâtisseurs de ce nouveau monde doivent être conscients qu'ils sont en train de construire une société. » Tim Berners Lee, à propos du web, 1994

Entrée n°14

Dans un article publié en octobre dans la revue Loss Prevention Bulletin, le Bureau d’Analyse des Risques et Pollutions Industriels (BARPI) fait état de l'augmentation de l'impact des événements climatiques sur les installations industrielles françaises. Ainsi, le nombre d'accidents liés aux événements naturels a plus que doublé en dix ans, tandis que ceux liés aux fortes chaleurs a été multiplié par 8, passant de 7 enregistrements en 2010 à 56 en 2019. Un rapport de l'ONU, cité par Sylvain Genevois sur le blog collectif Cartographie(s) numérique(s), alerte de son côté sur les conséquences du vieillissement des barrages hydroélectriques. Construits majoritairement au milieu du XXème siècle, ces installations accusent leur âge et souffrent de « la fréquence et la gravité croissantes des inondations ». Leur dégradation, combinée aux modifications hydrologiques induites par le changement climatique et l'artificialisation des cours d'eau et des sols font peser des risques importants sur les habitants en aval. Dernier exemple en date : la rupture d'un glacier de l'Himalaya le 7 février dernier, provoquant une crue éclair qui a détruit un barrage hydroélectrique et tué plusieurs ouvriers.

Des particuliers aux intentions multiples et peu claires ont permis à l'action du groupe GameStop (spécialisé dans la vente de jeux vidéo) d'atteindre fin janvier une valeur artificiellement haute en investissant collectivement en bourse. En difficulté financière, l'entreprise était la cible de fonds d'investissements pratiquant la vente à découvert, c'est-à-dire misant sur la dépréciation de sa valeur. L'opération simultanée des copycat a eu pour principale conséquence de provoquer des pertes financières importantes pour ces fonds d'investissements. Plusieurs enquêtes sont en cours pour tenter de déterminer une éventuelle manipulation de marché, d'éclaircir les motivations des différents protagonistes et d'établir des liens potentiels entre petits porteurs, intermédiaires et fonds d'investissement. Selon certains analystes, cet épisode est le symptôme d'une période favorable à la prise de risque financière, où les politiques monétaires de soutien à l'économie provoquent un excès de confiance des investisseurs. Un changement de cap économique, combiné à des valeurs boursières surévaluées et à des réactions imprévisibles des investisseurs, pourrait faire courir le risque d'une nouvelle crise financière.

Saluées par l'OMS pour leur gestion de la crise sanitaire, les autorités cubaines ont approuvé le 5 février dernier l'ouverture au secteur privé de la plupart des activités économiques, jusqu'alors très majoritairement sous le contrôle de l'État. Après la période spéciale, la crise financière et une saison cyclonique dévastatrice en 2008 et le renforcement des sanctions économiques étasuniennes sous la présidence de Donald Trump, la crise sanitaire a accéléré les réformes économiques dans le pays. Autre changement majeur : l'arrivée en 2018 de l'internet mobile dans un pays au réseau filaire quasi-inexistant, comme le rappelle France 24 dans un reportage. La démocratisation de cet outil constitue pour la population un outil d'organisation et de communication sans précédent mais pose un défi politique aux autorités, qui semblent vouloir y répondre par davantage de contrôle.

Entrée n°13

Dans un communiqué du 7 décembre relayé par l'Observatoire des armements, le Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI) note la bonne santé économique du secteur de l’armement, avec une augmentation de 8,5% des ventes d'armes des 25 plus grandes entreprises mondiales entre 2018 et 2020. Un résultat atteint en grande partie grâce aux exportations. C'est notamment le cas de Dassault Aviation, qui a connu une augmentation des ventes de 105% sur la période. Un rapport parlementaire rendu public fin novembre préconise de son côté le renforcement du contrôle de l'Assemblée sur les exportations d'armes. Jean-Marc Manach rapporte pour Next INpact le cas particulier des « biens et technologies à double usage » civil et militaire, tels que les outils de surveillance réseau, les drones civils ou la reconnaissance faciale. S'appuyant sur le rapport, il passe en revue les enjeux autour du contrôle de leur commerce : difficulté du consensus international dans le cadre de l'Arrangement de Wassemaar, absence de contrôle de l'utilisation finale des technologies vendues par la France, manque de transparence des transactions... Le journaliste note enfin que les rapporteurs laissent la porte ouverte à une facilitation de ces exportations. Bien que les technologies de surveillance ne soient pas un marché aussi important que l'armement traditionnel, le rapport les présente comme une filière nationale stratégique. Leur commerce permettrait d'amortir le coût de leur développement, en plus de procurer d'autres avantages, comme la mise en place d'accords de renseignement et la réalisation de ventes périphériques.

À l’occasion de l'initiative International Day Against DRM, l'association Framasoft revient sur la notion de droit d'auteur et sur les limitations imposées par les outils de Digital Right Management (DRM, gestion des droits numériques). Ces "verrous numériques" constituent un moyen technique pour garantir le respect du droit d'auteur des œuvres diffusées sur le web. L'article rappelle que le droit d'auteur vise essentiellement à « garantir un retour sur investissement à des sociétés » et à « sécuriser la filière de captation industrielle de la valeur », plutôt qu'a rémunérer les auteurs, qui bien souvent ne sont pas eux-mêmes les ayants droits (gestion confiée à des sociétés, descendants...). Cette législation favoriserait le modèle économique des grandes plateformes (comme Netflix, qui s’accapare 50% du marche européen), seules à pouvoir s'offrir les droits de diffusion des créations protégées par le droit d'auteur. Pour l'association, ce modèle qui « renforce sa propre vision du monde », conduirait inexorablement à l'appauvrissement de la diversité culturelle. Dans le même temps, Next INpact fait état des débats juridiques autour de la censure des contenus contrefaits, un autre moyen déployé pour protéger le droit d'auteur. Un mécanisme difficile à mettre en œuvre, qui risque soit d'être appliqué préventivement et trop largement sous la responsabilité des plateformes soit d'être inefficace.

Dans le sillage de la sortie du livre de Martine Storti « Pour un féminisme universel », Alain Policar livre dans The Conversation une critique de la notion d'intersectionnalité. Cette approche, qui analyse les rapports sociaux de domination à travers le prisme des « influences réciproques de la race, du genre et de la classe », tend à focaliser son intérêt sur des identités exclusives et statiques, au détriment selon le chercheur des processus dynamiques communs à l'origine de ces catégories identitaires. Selon l'approche matérialiste dont il défend l'intérêt, les rapports sociaux sont compris comme des rapports de production et d'exploitation, soit un rapport de force entre deux classes aux intérêts antagonistes : les détenteurs de la force de travail et les détenteurs du capital. La multiplicité des formes de domination (le patriarcat, le colonialisme, le capitalisme...) ne seraient que des modalités différentes et cumulatives de ce rapport de force, mais dont la dynamique historique serait commune et tendrait vers l'émancipation des exploités. Un propos illustré par l'exemple dans un billet de l'Observatoire des inégalités signé par Martine Storti.

Mise à jour du 04.01.21 : la parution d'un article signé Stéphane Beaud et Gérard Noiriel dans le Monde Diplomatique de janvier 2021, qui partagent sensiblement les mêmes critiques qu'Alain Policar, a suscité de vifs débats. Cet autre article, paru dans la revue Mouvements en 2019, en est le contrepoint. Les auteures y déplorent le fait « de présenter comme plus soucieuse d’égalité une posture de surplomb qui tente de rendre légitime une politique d’ignorance des privilèges de celui qui l’énonce et invisibles des expériences minoritaires dans leur pluralité et leur complexité. (...) Nous refusons un discours qui sous couvert de scientificité et d’universalité est en fait celui de privilégiés qui voient dans la montée d’autres formes de problématisation du social une menace pour leur position scientifique et académique ».

Échos de la mondialisation

« Nous n’avons plus le luxe, si tant est que nous l’ayons jamais eu, d’aborder les problèmes comme des sujets isolés et quasi indépendants dans des sphères sociales et écologiques distinctes. Nous devons plutôt les voir comme les nœuds d’un réseau socioécologique interdépendant dont tous les voyants d’alarme clignotent en rouge. La résilience du système a été considérée comme allant de soi (...). L’effet homogénéisateur de nos modèles de production et de consommation prédominants, qui ont soudé le monde, a miné la diversité – sous toutes ses formes, de la diversité biologique à la diversité culturelle – si essentielle à la résilience. » Rapport sur le Développement Humain 2020, Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD)

Entrée n°12

Mi-novembre, des manifestations ont eu lieu au Japon pour protester contre la révision de la loi sur la protection des obtentions végétales et des semences (Plant Variety Protection and Seed Act). Celle-ci doit renforcer le droit de propriété intellectuelle des producteurs de semences, un marché progressivement investi par le secteur privé depuis l'abolition du Seed Act for Major Crops en 2018 qui instituait jusqu'alors la gestion publique des semences. Ses opposants font valoir que la loi obligera les agriculteurs à acheter des semences certifiées tous les ans, impliquant des coûts supplémentaires pour ceux qui utilisent des semences de ferme. Traditionnellement nombreux au Japon, les petits exploitants agricoles à temps partiel craignent que la révision de la loi condamne à terme un modèle agricole singulier hérité de la planification d'après-guerre. La volonté du Parti Libéral Démocrate (PLD) au pouvoir de réformer le secteur s'était jusqu'ici confrontée au conservatisme de leur allié politique historique, les influentes coopératives agricoles du pays. La multiplication des accords de libre-échange (Partenariat transpacifique global et progressiste (CPTPP) entré en vigueur en 2018, Partenariat régional économique global (RCEP) signé le 15 novembre dernier), qui justifie les mesures de dérégulation en tant que mise en conformité du droit japonais avec les règles du commerce international (notamment celles établies par l'Union pour la Protection des obtentions végétales), pourrait effectivement venir à bout du modèle agricole actuel au profit des exploitations les plus grandes et les plus productives.

L'International Land Coalition, réseau rassemblant plus de 250 organisations (dont le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement, CIRAD) autour de la question de la gouvernance foncière, a publié le 24 novembre le résultat de son étude Land Inequality Initiative visant à mesurer les inégalités foncières dans le monde. En confrontant des données comme la valeur de la terre, la surface des propriétés et le contrôle effectif des propriétaires sur leurs terres, le groupe d'experts en charge de l'étude a déterminé que la moitié de la population rurale mondiale la plus pauvre se partage 3% de la valeur des terres agricoles, tandis que 1% des exploitations agricoles se sont accaparées 70% des terres agricoles mondiales. Il identifie les fonds d'investissement comme les premiers responsables de la concentration de la propriété des terres agricoles. L'Europe n'est pas épargnée par ce phénomène, où moins de 3% des exploitations agricoles possèdent plus de la moitié des terres agricoles. D'après les conclusions du rapport, cette situation « sape la stabilité et le développement de sociétés durables » et « aura des conséquences négatives importantes sur le développement économique et social de tous les pays, mais également sur l'environnement, la démocratie et la paix. » En France, la Cour des Comptes a publié le 12 novembre un référé adressé au Premier Ministre déplorant la poursuite de l'artificialisation et de la concentration des terres. La Confédération Paysanne s'en est faite l'écho pour réclamer aux pouvoir publics une « régulation plus efficace du marché foncier agricole », notamment par la réorganisation des Sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER).

À l'occasion du Forum de la Paix, l'Alliance pour le multilatéralisme a annoncé la création du groupe d'experts de haut niveau One Health (Une seule santé). Ce conseil d'experts, qui revendique une approche intégrée et systémique de la santé (interdépendance des santé humaine, animale et environnementale), est présenté comme une structure de coopération entre les organisations internationales et les États, mais aussi comme un outil de coordination des réseaux régionaux qui travaillent d'après ce concept. En intégrant les sciences sociales et environnementales, l'approche One Health doit permettre de penser les phénomènes épidémiologiques dans leur contexte économique et politique, comme le défendent Eric Muraille et Jacques Godfroid, pour qui « la pandémie induite par le SARS-CoV-2 est la conséquence directe et prévisible de la mondialisation des systèmes de production animale, de la vente d’animaux sauvages vivants, mais aussi du tourisme de masse, du commerce international et de l’hypermobilité qui les accompagne. »

Entrée n°11

Le 24 octobre, le Honduras a permis l’entrée en vigueur dans le droit international du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN) en étant le cinquantième État à y apposer sa signature. Bien que non contraignant pour les principales puissances nucléaires et leurs alliés qui ne l’ont pas ratifié (comme la France ou le Japon), le TIAN pourrait avoir un impact sur le financement du nucléaire militaire selon l’Observatoire des armements. En juin, la même source rappelait néanmoins qu’en l’absence d’accord, l’expiration d’ici 2021 du dernier traite bilatéral New Start de désarmement nucléaire signé entre les États-Unis d’Amérique et la Russie laissait planer un risque de réarmement, dans un contexte diplomatique tendu. Une hypothèse corroborée par l’augmentation des budgets de défense consacrés à la modernisation des arsenaux nucléaires, et « malgré la diminution globale du nombre d’ogives nucléaires en 2019 ». C’est notamment le cas en France, comme le montre Philippe Leymarie dans sa lecture de la Loi de programmation militaire française. Cette dernière prévoit d’allouer un huitième des 39 milliards d’euros du budget 2021 de la défense « au renouvellement du système de dissuasion (…) - une proportion qui s’élargira a partir de 2023. »

Fin septembre, environ la moitié du parc nucléaire français était à l’arrêt selon Reporterre. En cause : la pandémie de Covid-19, qui a provoqué des reports de maintenance alors que les défaillances s’accumulaient, mais également la sécheresse de l’été qui a réduit la disponibilité en eau de refroidissement et entraîné la mise à l’arrêt de certains réacteurs. Le 8 octobre, l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) rendait son évaluation sur le caractère valorisable des matières radioactives. Le rapport précise d’entrée que « la valorisation d’une matière radioactive peut être considérée comme plausible si l’existence d’une filière industrielle d’utilisation de cette matière est réaliste à un horizon d’une trentaine d’années, et que cette valorisation porte sur des volumes cohérents avec les stocks de matière détenus et prévisibles ». Dans le cas contraire, les matières radioactives usées doivent être considérées comme des déchets nécessitant une prise en charge sûre. Considérant ce principe, l’ASN juge que la politique actuelle de retraitement des matières radioactives « doit être précisée », pointant les risques du multi-recyclage, le retard du projet de stockage centralisé des déchets et l’absence de perspective au-delà de 2040.

Dans un entretien au Journal du CNRS, le virologue Étienne Decroly revient longuement sur l’état des connaissances sur l’origine du virus responsable de la pandémie actuelle. Après avoir replacé le SARS-CoV-2 dans une histoire de la recherche sur les zoonose et les coronavirus, et tout en invitant à la prudence, il rappelle que « (t)ant qu’on n’aura pas trouvé l’hôte intermédiaire (animal), l'hypothèse d’un échappement accidentel (d'un laboratoire) ne pourra être écartée par la communauté scientifique ». Le chercheur invite ainsi à questionner « le rapport bénéfice/risque » de certaines méthodes de recherche sur les virus, en particulier les « expériences de gain de fonction et d'adaptation artificielle de souches virales », évoquant des « stratégies expérimentales alternatives (...) limitant fortement les risques expérimentaux ». Des risques favorisés selon lui par un « climat de compétition qui baigne le monde de la recherche ».

Échos de la mondialisation

« Sur ces systèmes (UNIX, c'est-à-dire Linux et Mac OS), le calcul du temps est effectué en fonction des secondes écoulées à partir du 1er janvier 1970 à 00:00:00 UTC. (...) (S)ur les systèmes 32 bits, le nombre de secondes total que la fonction peut retourner est 231–1, c’est-à-dire environ 136 ans. (...) (L)a date maximale représentable est le mardi 19 janvier 2038 à 3 h 14 min 8 s. Lorsqu’il sera 3 h 14 min 8 s le 19 janvier 2038, le système passera au 13 décembre 1901 à la seconde suivante. » Bill Fassinou, Developpez.com

« c'est ballot pour la sonde voyager 1. Quand les extraterrestre tomberont dessus, il penseront qu'elle vient d'a coté faisant des boucles de 136 ans.... » Aiekick, commentateur sous pseudonyme, à propos du bug de l'an 2038 2486

Entrée n°10

Tomoya Obokata, rapporteur spécial sur les formes contemporaines d'esclavage au Conseil des droits de l'Homme de l'ONU, dit craindre que la pression économique sur les entreprises n'encourage les états libéraux à démanteler un peu plus le droit du travail et les mécanismes de protection sociale. De telles décisions pousseraient selon lui un nombre de personnes toujours plus grand vers la servitude et le travail forcé, alors que l'ampleur du chômage actuel semble déjà liée à la précarité des formes de travail contemporaines. Un choix politique qui n'est pas une fatalité, comme le rappelle l'Organisation Internationale du Travail (OIT), qui relève que « (c)ertains pays ont cherché des moyens innovants pour accroître l’espace budgétaire et permettre ainsi l’extension de la protection sociale comme, par exemple, des taxes sur les profits réalisés sur les ventes des entreprises de haute technologie, l’imposition unitaire des sociétés multinationales, des taxes sur les transactions financières ou sur les billets d’avion. » L'organisation rappelle que 55% de la population mondiale, soit plus de 4 milliards de personnes, n'ont accès à aucune couverture sociale.

L'historienne Mar Hicks s'est penchée sur l'effondrement de l'infrastructure technique de l'assurance chômage dans plusieurs états des États-Unis, dans un article paru dans Logic Mag et commenté par Hubert Guillaud. Mar Hicks pointe le manque d'entretien d'un code informatique ancien bien que solide et met en cause les politiques d'austérité successives qui ont réduit le personnel nécessaire au maintien d'un service de qualité. Selon l'historienne, ce qui pourrait passer pour une panne technique est en fait une faute politique, d'autant plus grave qu'elle touche systématiquement les plus vulnérables, avec des conséquences désastreuses lors d'événements catastrophiques comme lors de l'ouragan Katrina ou de la pandémie de Covid.

Jeff Huang, traduit par le projet Framalang, donne 7 conseils pour faire durer les pages web dans un « manifeste pour un site web durable » publié sur son blog. Multiplication de solutions techniques concurrentes de plus en plus sophistiquées, dépendance à des technologies abandonnées et à des plateformes fermées... Face à ces pratiques qui menacent la durabilité des ressources web, l'enseignant en informatique suggère notamment de se tourner vers des technologies simples et robustes, comme le HTML et le CSS, et de limiter la dépendance des pages web aux contenus d'autres sites (hotlinking). Les mêmes constats appellent des réponses similaires pour David Legrand dans Nextinpact. D'après le journaliste, la dépendance aux services des plateformes centralisées va à l'encontre d'une appropriation du numérique par tous et d'une démocratisation de la pratique de publication. « Comme si, finalement, » explique t-il, « le Minitel avait gagné en douce (loin de ses concepteurs français) face à l'approche ouverte et décentralisée qui était celle qui a porté la victoire d'Internet à ses débuts. »

Echos de la mondialisation

« On ne dit pas que les effets de seuil n’existent pas. (...) Mais dans la plupart des écosystèmes, ce qu’on observe, c’est une détérioration progressive du milieu, avec son lot de conséquences dès l’apparition des premières perturbations : disparition de certaines espèces, ou de certaines fonctionnalités de l’écosystème. » José M. Montoya, écologue

« Nous adoptons des concepts techniques tels que le contrôle décentralisé, la responsabilisation des utilisateurs et le partage des ressources, car ces concepts sont en résonance avec les valeurs fondamentales de la communauté de l'IETF. Ces concepts ont peu à voir avec la technologie qui est possible, et beaucoup à voir avec la technologie que nous choisissons de créer. » Stéphane Bortzmeyer, citant la charte de l'Internet Engineering Task Force (IETF)

Entrée n°9

A travers leur appel à la coopération, l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et l'Organisation mondiale de la santé animale (OIE) rappellent que 51 pays sont touchés par l'épidémie de peste porcine africaine (african swine fever, ASF) qui sévit depuis 2018. Détectée pour la première fois en 1921 sur des individus sauvages asymptomatiques, la peste porcine africaine aurait contaminé des porcs domestiques par l'intermédiaire de tiques dans les années 1960, au moment de l'ouverture des nations africaines aux marchés internationaux. Selon l'OIE, elle aurait provoqué la mort par infection ou abattage de plus de 8 millions de porcs depuis 2016, dont 80% en Asie, région où le porc représente près de la moitié de la viande consommée. En 2019, l'effondrement de la production porcine chinoise a entraîné une augmentation des prix de près de 50% profitant essentiellement aux plus gros producteurs, tandis que les faillites se sont multipliées pour les petites exploitations qui n'étaient pas en mesure de mettre en œuvre les mesures sanitaires obligatoires.

Une situation qui favorise paradoxalement la concentration des acteurs et les élevages de grande taille, alors même que ces derniers ont été identifiés comme un vecteur important de maladies émergentes. Dans un communiqué de presse du 22 juillet, le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) relaie ainsi la publication d'une enquête de Serge Morand sur le lien entre la taille des élevages et le risque pandémique. En croisant trois bases de données ouvertes, l'auteur montre que l'accroissement du bétail multiplie les chances de transmission de virus par la faune sauvage tout en diminuant ses aires de répartition, avec en conséquence une augmentation du nombre d'épidémies et une diminution de la biodiversité. L'augmentation de la taille des cheptels dégraderait également les conditions de vie au travail, comme le signale Jocelyne Porcher dans un article paru en 2003 dans la revue Sociologie du travail. Elle y décrit la détérioration du lien social humain-animal, le manque de temps, le déficit d'expérience, la mise à distance de l'outil et la banalisation de la violence comme les symptômes de l'élevage industriel qui, tout en promettant l'amélioration des strictes conditions matérielles de travail, évacue ses aspects affectif et identitaire.

Le 16 juillet, la Cour de justice de l'Union Européenne (CJUE) a rendu un arrêt qui invalide le Privacy Shield. Cet accord entre l'Union Européenne et les États-Unis devait garantir la protection des données personnelles de ressortissants européens traitées aux USA. La CJUE l'a donc annulé, partant du principe que le Règlement général sur la protection des données (RGPD) s'applique aux données personnelles transférées à l'étranger par des firmes multinationales (typiquement, les GAFAM), et compte tenu des programmes de surveillance déployés par ce pays (tel PRISM ainsi que des difficultés à procéder à un recours auprès des autorités étasuniennes. Commission Européenne et entreprises exportatrices de données doivent maintenant corriger les failles de l'accord et trouver de nouveaux mécanismes juridiques, sous peine de devoir renoncer à ces échanges. Une option qui n'en est pas une, alors que le web est aujourd'hui plus asymétrique qui jamais : les États-Unis hébergent une grande partie des principaux pourvoyeurs de services web du monde, ceux-ci ayant bâti leur puissance sur le drainage des données personnelles.

Échos de la mondialisation

« Malgré leur vétusté, environ 40 années d'existence, les disquettes de 3,5 pouces sont toujours utilisées dans certains parcs informatiques. C’est notamment le cas des Boeing 747-400, qui s’en servent pour charger des bases de données de navigation critique. » Bill Fassinou (Developpez.com)

Entrée n°8

Le 9 juin dernier, le Conseil Économique Social et Environnemental (CESE), assemblée représentant les organisations professionnelles et consultée lors du processus législatif, a rendu un avis sur la question du renouvellement des exploitations agricoles en France. La Confédération Paysanne « salue l'adoption de l'avis du CESE (...) dont elle partage les constats et les principales préconisations », notamment « l'adoption d'une loi foncière ambitieuse pour mettre fin au verrouillage foncier » (un phénomène abordé par Lucile Leclair dans le Monde Diplomatique en juillet dernier), l'accompagnement financier et la formation des nouveaux agriculteurs et la revalorisation des retraites agricoles. Le syndicat rappelle qu'un quart des fermes pourrait disparaître d'ici 5 ans et que 200000 agriculteurs partiront à la retraite d'ici 2026. Dans The Conversation, le sociologue Antoine Pécoud rappelait que l'agriculture française restait très dépendante de la main d’œuvre étrangère peu qualifiée, comme l'a montré la crise sanitaire. Une situation qui favorise les abus et les violations au droit du travail, suscitée par la très grande spécialisation de l'agriculture intensive d'une part et alimentée par la disponibilité d'une telle main d’œuvre d'autre part.

La question de la responsabilité des crises a été largement évoquée dans la presse le mois dernier : enquête pointant le manque de moyens alloués à la prévention des risques en France dans le cas de l'accident à l'usine Lubrizol en septembre, plaintes pour gestion défaillante de la crise sanitaire par les autorités publiques et les Établissements d'hébergement pour personnes agées dépendantes (EHPAD), critique de l'extension du système assurantiel dans le secteur agricole pour la Confédération Paysanne, question du partage de la responsabilité entre humains et systèmes automatisés pour Hubert Guillaud... De son côté, la sociologue Perrine Poupin pointe du doigt la complaisance de l'État russe envers les entreprises. À partir de l'exemple de la catastrophe de Norilsk, elle montre que la société civile a été la première à donner l'alerte, bien avant les autorités et les exploitants.

Des communautés en ligne de fans de K-pop se sont illustrées à plusieurs reprises au cours du mois de juin en utilisant leur bonne connaissance des réseaux sociaux pour pirater des initiatives réactionnaires. Le 1er juin, des membres ont fait tomber l'application de délation mise en œuvre par la police de Dallas. Utilisant des scripts automatisés, ils ont ensuite fait disparaître les mots-clés utilisés par les suprémacistes blancs de la liste des sujets en vogue sur Twitter, au profit du mouvement Black Lives Matter ou encore d'Anonymous. Le 20 juin, de nombreux fans de K-pop se sont virtuellement inscrit à un meeting de Donald Trump sans pour autant s'y déplacer, laissant de nombreuses places vides dans la salle.

Échos de la mondialisation

« La lettre que vous avez sous les yeux est l’expression spontanée et déterminée de journalistes qui s’organisent pour faire la lumière sur toutes les zones d’ombre qui entourent l’agro-industrie bretonne. » Des journalistes et professionnel.les de la presse

Entrée n°7

Le territoire de Taïwan a été au cœur de l'actualité géopolitique au cours de la dernière semaine, dans un contexte de conflit économique sino-américaine et de multiplication des critiques à l'égard de la Chine, tandis que l'économie globale connaît un repli sérieux. TSMC, fondeur de semi-conducteurs taïwanais qui compte pour la moitié du marché mondial, a cessé sa collaboration avec l'entreprise chinoise de télécommunications Huawei et annoncé la construction d'une nouvelle usine sur le sol américain. Le gouvernement chinois a répondu en investissant plusieurs milliards de dollars dans le fondeur local SMIC avec l'objectif de constituer à terme une filière nationale. La présidente taïwanaise Tsai Ing-wen, réélue en janvier sur la base de son opposition franche au gouvernement de Pékin, a été investie le 20 mai, recevant les félicitations du gouvernement étasunien. Tandis que les autorités sanitaires de l'île questionnaient publiquement la lenteur des autorités chinoises à signaler l'épidémie de Covid-19, elles ont tenté de faire valoir, en vain, leur expérience et leur gestion de crise souvent citée en exemple afin d'intégrer en tant qu'observateur la session annuelle de l'OMS, dont l'île est exclue depuis 2016 et l'arrivée au pouvoir de Tsai Ing-wen.

En France, les perspectives de l'emploi post-crise sanitaire commencent à se dessiner, en particulier pour les grandes entreprises nationales qui ont déjà pour la plupart annoncé des plans de licenciements. La presse annonce entre autres le chiffre de 10000 licenciements chez Airbus (aéronautique), des « cessions » de branches d'activité chez Engie (énergie) comptant pour 9000 emplois, la destruction de 1900 emplois chez Conforama (ameublement), la mise en redressement judiciaire d'Alinéa (ameublement, 2000 emplois) ou encore de Presstalis (distribution de presse), sans compter les sous-traitants. D'après Rapport de Force qui s'appuie sur les chiffres issus des tribunaux de commerces, « les secteurs les plus touchés sont, sans surprise la construction, le commerce et la réparation automobile ainsi que l’industrie manufacturière ». Le même site invite à se pencher sur le cas des coopératives, que ce soit pour étudier leur modèle de gestion des mesures sanitaires ou pour réfléchir à l'opportunité et aux difficultés d'un projet de reprise en coopérative d'une usine de masques.

Dans une tribune à Libération du 3 mai, Olivier Ertzscheid met en regard la multiplication et la valorisation des initiatives « Do It Yourself » d'un côté avec la faiblesse des politiques de santé publique et le climat actuel d'irresponsabilité politique de l'autre. Il y dénonce l'idée que chacun pourrait pallier bénévolement aux manquements de l'état, laissant le choix à chacun (...en capacité de décider) et exonérant au passage son gouvernement de toute responsabilité. Selon lui, « cette idée est aussi toxique que celle affirmant que l'état peut tout ». Le mensonge et l'incertitude fabriqués par un gouvernement qu'il juge irresponsable risque selon lui de produire un peuple « privé non seulement de sa capacité d'agir mais aussi de sa capacité de penser et de juger » selon les mots d'Hannah Arendt, s'interrogeant même une possible irresponsabilité intentionnelle à même de « tétaniser les prochains rendez-vous électoraux ».

Échos de la mondialisation

« Si la médecine a retenu (entre autres) d’Hippocrate son fameux "primum non nocere", on peut regretter que le politique n’ait pas, lui aussi, appris ce principe de prudence abstentionniste, et que trop souvent il use du mantra inverse : "Il faut faire quelque chose" ». Laurent Chemla, informaticien et premier pirate français

« Dans de nombreux pays, les gouvernements ont imposé des restrictions aux visites des familles de détenus (...). Ces restrictions, en plus des inquiétudes concernant la propagation du coronavirus an sein de prisons surchargées, ont suscité une vague de manifestations et d'émeutes, dont on estime qu'elles ont fait 179 victimes dans 39 pays différents - parmi ceux couverts par l'ACLED ». ACLED (Armed Conflict Location & Event Data Project)

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