Entrée n°23
Inventé par les pères du concept de « paternalisme libertarien » , le nudge (« coup de pouce ») a fait l'objet d'une publication dans le magazine de l'Inserm en novembre. L'article revient sur cet outil de suggestion comportementale qui consiste « à modifier nos habitudes, sans nécessiter un niveau d'attention élevé et prolongé de notre part ». De nombreux exemples sont cités, le plus souvent basés sur des stimulations visuelles (étiquetage, marquage) non-explicites quant à leur objectif réel. L'Inserm cite « une méta-analyse de 96 expérimentations (qui) montre que les nudges qui font appel à la réflexion des consommateurs, comme le Nutri-Score, sont moins efficaces que ceux qui touchent aux émotions ». Henri Bergeron, sociologue à Sciences Po Paris et directeur de recherche au CNRS cité par l'Inserm, rappelle que « les nudges n'ont pas d'impact sur les conditions sociales d'existence, comme le pouvoir d'achat. Fonder une politique de santé publique sur les nudges est un projet minimaliste, qui renonce de fait à transformer la société ». La revue des médias rapproche ces dispositifs des dark patterns (« interfaces truquées »), techniques de manipulation par le design très répandues sur le web et dont le but est « d'orienter l'utilisateur vers des choix qu'il n'aurait probablement pas faits en connaissance de cause ». Claude Castelluccia, directeur de l'équipe Privatics de l'Inria cité dans l'article, suggère que ces manipulations sont « les conséquences même du modèle économique de l'internet et de ses services “gratuits” ». La revue des médias estime que dans le cas des nudges comme dans celui des dark patterns , et « à leur insu, il s'agit de priver les utilisateurs de leur capacité à choisir ».
Le Cirad a publié une synthèse des positions adoptées par la Conférence globale sur l'agriculture familiale et les systèmes alimentaires, qui s'est déroulée fin novembre. Il rappelle que 1,3 milliard de personnes, qui produisent 80% des denrées alimentaires mondiales, travaillent dans ces exploitations fondées sur des rapports de travail domestiques plutôt que sur le salariat. Afin de protéger ce type d'exploitation, plusieurs objectifs ont été avancés : sécuriser l'accès aux ressources (foncier, eau, technologies, « services tels que le crédit ou les assurances »), favoriser la synergie entre savoirs locaux et principes de l'agroécologie, ou encore renforcer les organisations représentatives. Jean-Michel Sourisseau, chercheur au Cirad, ajoute qu'il ne faut pas « oublier les antagonismes », autrement dit la défense de ce modèle face aux « forces contraires à l'agriculture familiale (…) qui s'organisent pour peser (…) sur les politiques publiques nationales et (…) l'organisation des filières ». Une manière de désigner le modèle productiviste, à l'origine d'un paradoxe décrit par Tim G. Benton et Rob Bailey dans un article traduit en français par Hélène Soubelet, directrice de la Fondation pour la Recherche sur la Biodiversité (FRB). Selon les auteurs, ce système alimentaire industriel aurait permis une augmentation spectaculaire des rendements proprement dits (en termes de calories produites) mais entraîné paradoxalement l'« inefficacité (globale) du système par l'augmentation des déchets, des coûts environnementaux et des coûts de santé ». En cause, l'incitation à produire des produits à haute teneur énergétique, la recherche de prix toujours plus bas, l'incitation au gaspillage et à la surconsommation de calories induites par ce modèle. Ce dernier souffrirait d'une « défaillance massive » qui justifierait « l’intervention gouvernementale pour la corriger, permettre aux gens de manger sainement et durablement, garantir que les marchés utilisent efficacement les ressources de la société (le capital naturel et l’argent public) et produire des résultats sociaux (dans ce cas, améliorer la santé publique par la nutrition) ». Pour parvenir à mettre en place de telles politiques publiques, les auteurs suggèrent la création d'outils de mesure qui tiennent compte du nombre de personnes nourries en extrants, et des coûts environnementaux et sociaux en intrants, en plus de la force de travail, du capital, des terres et des engrais chimiques.
L'annonce par Emmanuel Macron d'un programme d'investissement dans le nucléaire a suscité des réactions circonspectes, en particulier à l'étranger. La Deutsche Welle a ainsi recueilli le point de vue des britanniques Kenneth Gillingham, professeur d'économie de l'environnement et de l'énergie à l'université de Yale, et Philip Johnstone, chercheur à l'école de commerce de l'université du Sussex. Le premier considère que « les exigences de sécurité pour les nouvelles centrales nucléaires sont si strictes que leur construction devient très coûteuse », tandis que le second affirme que « les pays qui s'accrochent à l'énergie nucléaire sont souvent des États dotés d'armes nucléaires » et que « l'investissement dans les SMR (small modular reactors, voir l'entrée n°21) semble avant tout une décision stratégique, même si elle implique de perdre beaucoup de temps et d'argent ». Il note également que l'abandon des grands réacteurs au profit de plus petits va à l'encontre de la logique des économies d'échelle. De son côté, Mycle Schneider, rédacteur du World Nuclear Industry Status Report, affirme que l'énergie nucléaire serait « trop chère, trop lente ». Selon lui, les nouvelles constructions compteraient peu (0,4 GW en 2020) face au déploiement massif des énergies renouvelables (250 GW en 2020) et le prolongement des centrales existantes nécessiterait des périodes d'arrêt pour maintenance de plus en plus longues. Dans une cartographie intitulée « Gériatrie technologique » publiée dans la revue suisse Energie & Umwelt (Energie & Environnement), Julie Hazemann et Agnès Stienne montrent que l'âge moyen du parc nucléaire mondial atteint 31 ans. Elles rappellent que 19 réacteurs français ont déjà dépassé les 40 années de fonctionnement, la poursuite d'exploitation des réacteurs existants ayant été l'option jusqu'ici privilégiée par EDF. Mais cette stratégie n'est pas exempte d'incertitudes concernant sa rentabilité : les autrices avancent que plus de 80% des 197 réacteurs déjà fermés dans le monde n'ont pas dépassé les 41 années de fonctionnement, « essentiellement pour des raisons économiques ».
Échos de la mondialisation
« À la fin du film, je me suis dit : c'était mieux que La Menace fantôme. » Michael Kubecka, alias Omega, membre de Cult of the Dead Cow et créateur du concept d'hacktivisme, à propos de Matrix
« Je n'en croyais pas mes yeux lorsque Trinity a sorti mon scanner de sécurité Nmap pour pirater le réseau électrique ! » Gordon Lyon, alias Fyodor, créateur du scanneur de ports libre nmap, à propos de Matrix