Journal

Le journal (2019-2022) était une exploration mensuelle de l'actualité. Elle me permettait d'interroger les notions de propriété, de production, de technique, mais aussi les phénomènes collectifs et l'exercice du pouvoir. En les confrontant, j'avais l'ambition de faire émerger une critique des structures et des mécanismes de production de la vulnérabilité et d'identifier des bonnes pratiques. Bonne lecture.

Entrée n°6

La gestion de crise en France continue d'être débattue. Alors que l'état d'urgence sanitaire est créé le 23 mars, le chercheur en droit Vincent Sizaire revient dans The Conversation sur le cadre légal de sa mise en œuvre. « Critères permettant de déclencher l’état d’urgence sanitaire (...) trop extensifs » , « mécanismes de contrôle (par le parlement ou une instance indépendante] insuffisants », possibilité donnée aux préfets de mettre en oeuvre des mesures individuelles et nominatives... Il termine en rappelant que l'état d'urgence proclamé en 2015 était devenu un « instrument de répression extrajudiciaire » permettant de cibler des ressortissants étrangers ou des militants politiques, d'où la nécessité de définir précisément le cadre légal de telles mesures afin de garantir leur nécessité et leur proportionnalité.

Justifiée par de tels dispositifs juridiques, la « pandémie de solutionnisme technologique » qui semble gagner les États du monde entier pourrait renforcer les atteintes aux libertés, et ce dans la durée. Tandis que l'association AlgorithmWatch, dans un article traduit par Framasoft, affirme que « Le COVID-19 n'est pas un problème technologique », Hubert Guillaud, dans un article relayé par la même association, insiste dans cette optique sur le risque de signose, soit le fait de « prendre le signal pour la chose » (en l'occurence, la proximité pour la contamination). Les moyens de surveillance envisagés en France étant basés sur des signaux faibles (proximité de terminaux Bluetooth), qui peuvent être difficilement qualifiables, le risque de produire des interprétations biaisées et donc des décisions inadaptées est selon lui trop élevé. Comme Alain Damasio qui voit dans les restrictions de libertés et la surveillance policière les signes « d'une incompétence sanitaire massive », Hervé Guillaud suggère que la promotion de solutions techniques à l'épidémie tente de maquiller l'échec de la politique sanitaire. Avant d'inviter à « retourner au contact » de l'épidémie, défendant l'idée que « le numérique ne peut pas tout » et qu'il ne peut se substituer au travail. Un avis partagé par le chercheur Antonio Cassili, ou encore par les sociologues Eric Darigal et Olivier Martin, qui tentent d'évaluer l'impact du numérique en période de confinement dans le Journal du CNRS.

Les chercheurs ne sont pas les seuls à défendre l'idée que l'appareil productif, en particulier dans ses formes les plus précaires, est au coeur des enjeux en temps de crise. Alors même que la plupart des pays ont adopté des mesures de confinement, des mouvements de grève et des manifestations ont eu lieu dans les secteurs de l'industrie et de la santé en Iran, en Serbie, en Grèce, en Roumanie, en Bulgarie, au Mexique, au Kazakhstan et au Myanmar. Rapport de Force, qui notait déjà un niveau de mobilisation exceptionnel aux Etats-Unis avant l'épidémie, a relayé le suivi effectué par le site américain PaydayReport, qui a recensé plus de 100 mouvements de grève dans le pays depuis début mars. Comme avant la pandémie les conditions de travail, le manque de personnel et de matériel sont les revendications principales.

Echos de la mondialisation

« Je ne peux séparer ma foi de ma profession. Je pense que c’est un don, les histoires tombent comme ça sur mes genoux quand je suis en phase avec Dieu. C’est probablement parce que Dieu sait que je suis trop bête pour sortir et les trouver par moi-même. C’est tout bonnement incroyable. » Jack Kelley, « patient zéro » de la surveillance de masse sur internet selon Yannick Chatelain

« Zorbas resta à la contempler jusqu'à ne plus savoir si c'étaient les gouttes de pluie ou les larmes qui brouillaient ses yeux jaunes de chat grand noir et gros, de chat bon, de chat noble, de chat du port. » Luis Sepulveda, Histoire d'une mouette et du chat qui lui apprit à voler

Entrée n°5

La chute continue des valeurs financières apparaît comme l'un des signaux les plus menaçants de la pandémie actuelle de coronavirus Covid-19 pour la santé économique des états, celle des activités de production, les salaires et l'emploi. Le 9 mars, face au refus de la Russie de diminuer sa production de pétrole pour accompagner la diminution de la demande mondiale, l'Arabie Saoudite a baissé de 30% le prix de sa propre production. Une décision qui a aggravé la chute des cours de la bourse, déjà minée par le ralentissement de l'économie chinoise et son impact sur les chaînes de valeur mondiales, et qui fait peser un risque de faillites en chaîne sur les producteurs américains de pétrole de schiste, plus cher à produire. La conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) insiste sur la vulnérabilité des économies « émergentes » endettées auprès de la Chine (Afrique, sud-est asiatique, Amérique du sud) et « souligne que la combinaison de la déflation des prix des actifs, d’une demande globale plus faible, d’un endettement accru et d’une distribution des revenus qui s’aggrave » pourrait aussi « déclencher une spirale descendante plus vicieuse ». L'Organisation Internationale du Travail (OIT), de son côté, envisage de 5 à 25 millions de chômeurs et 33 millions de travailleurs pauvres supplémentaires en 2020, en comparaison des 22 millions de personnes qui avaient perdu leur emploi lors de la crise financière de 2008.

A la demande de l'Union Européenne, les plateformes de vidéo à la demande Netflix et Youtube ont commencé à limiter la qualité de leurs contenus afin de limiter leurs débits de données. Le confinement des populations dans de nombreux pays d'Europe a provoqué un recours plus important à internet sur des périodes plus longues. Rejetant l'idée d'un engorgement du réseau, Stéphane Bortzmeyer revient sur les choix techniques qui provoquent les ralentissements parfois observés par les utilisateurs : l'utilisation de sites dynamiques (qui nécessitent des calculs en temps réel gourmands) plutôt que statiques, la sous-utilisation de protocoles comme le pair-à-pair (P2P) qui permettent pourtant de répartir la charge lors d'échanges de fichiers, le refus de la redondance des données au nom de la propriété intellectuelle, ou encore le piège des marchés publics pour les administrations, qui privilégient des entreprises spécialisées dans la réponse aux marchés publics. Selon Stéphane Bortzmeyer, la demande de l'Union Européenne a plus à voir avec une remise en cause du principe de neutralité du net qu'avec une potentielle surcharge du réseau. Pilier d'internet, ce principe exclut « toute discrimination positive ou négative à l'égard de la source, de ladestination ou du contenu de l'information transmise sur le réseau ». Un décision inquiétante selon lui, « car, si on abandonnait la neutralité, on aurait un problème encore plus difficile : qui va décider ? (…) Mais cela ne veut pas dire qu’on puisse gaspiller bêtement cette utile ressource » rappelle l'auteur, invitant chacun à dimensionner son usage de l'outil internet à ses besoins.

La plateforme de calcul distribué BOINC, créée en 2002, permet à des volontaires de mettre la puissance de calcul inutilisée de leur ordinateur personnel au service de projets de recherche portés par des universités du monde entier. Elle atteignait « une puissance totale moyenne de calcul d'environ 33,82 PFLOPS répartie sur environ 477 414 ordinateurs actifs au début de novembre 201 », soit l'équivalent d'un supercalculateur contemporain. Le 27 février, l'Université de Stanford a mis à contribution son programme Folding@Home, basé sur BOINC, pour la recherche sur le coronavirus Covid-19. Une initative relayée par le fabricant de cartes graphiques Nvidia, qui a invité les joueurs propriétaires de ses cartes à participer au projet. L'Université de Berkeley a annoncé de son côté mettre fin au programme Seti@Home d'écoute des signaux extraterrestres, invitant les participants à continuer de soutenir les autres projets de recherche de la plateforme.

Echos de la mondialisation

« Osons une hypothèse. Si le coronavirus Covid-19 est sans précédent c'est parce qu'il (...) nous raconte une histoire qui n'est pas l'histoire de sa propagation, de sa nuisance ou de sa dangerosité. Mais l'histoire de la plupart des enjeux primaires du siècle à venir. L'histoire de la possibilité d'un changement radical de nos modes de vie, de déplacement et de production qui puisse être immédiatement efficace sur la pollution qui nous tue et nous étouffe. L'histoire de notre rapport à la surveillance, au contrôle et au pouvoir. Il y a tant d'autres histoires à raconter autour de ce virus. Les enfants ne semblent pas concernés, comme épargnés, comme témoins. Cela aussi est notre histoire. Et peut-être notre chance. Ne pas essayer de comprendre pourquoi les enfants sont épargnés, mais comprendre que ce que ce virus est en train de redessiner, c'est le monde que nous allons leur laisser. Et qu'il existe encore une chance. Une possibilité. Celle que dans ce monde à venir, ils n'aient pas simplement le choix, entre la peste et le corona. » Olivier Ertzscheid, enseignant chercheur en sciences de l'information

Entrée n°4

Le 31 décembre 2019, les autorités sanitaires chinoises déclarent les premiers cas d'une pneumonie encore non identifiée. La première diminution du nombre de nouvelles contaminations a lieu le 12 février 2020. Au 17 février, l'épidémie de Covid-19 a provoqué 1770 décès pour environ 70000 contaminations en Chine. Le pays pesant 17% du PIB mondial, l'économie mondiale subit le contrecoup de la crise sanitaire : diminution des exportations, baisse du prix du baril de pétrole, baisse des valeurs de la bourse, difficultés d'approvisionnement, notamment dans le secteur de l'électronique. Dans le pays, dont la croissance est très dépendante de la consommation intérieure, la crise sanitaire constitue également un risque pour l'emploi et l'endettement des entreprises. Certains chercheurs estiment que la structure politique pyramidale de l’État chinois a entravé l'alerte tout en permettant une mise en œuvre rapide des mesures d'urgence. D'autres évoquent les investissements publics récents et massifs dans le système de santé qui s'était révélé défaillant lors de l'épidémie de SRAS, mettant en cause l'ouverture à l'économie de marché des années 1980-2000 et l'accaparement des services hospitaliers par le secteur privé. Contre ce modèle de gestion de crise qualifié parfois de « totalitaire", Emmanuel Hirsch suggère de développer un modèle démocratique fondé sur la concertation en France autour de cet enjeu afin de favoriser la confiance, la justice et prévenir les discriminations et les négligences. Il estime que dans le contexte actuel « de conflit des expertises, de contestation de la parole publique et d’expression forte d’un besoin de médiations et de concertations dans les processus décisionnels », l'approche verticale de la gestion de crise qui prévaut en France augmenterait la défiance et le sentiment de vulnérabilité de la population. Deux analyses qui ont une résonance particulière tandis que le conflit entre le gouvernement français et le personnel hospitalier s'enlise.

Comme pour illustrer le « conflit des expertises » et l' « expression forte d'un besoin de médiations » évoqués par Emmanuel Hirsch, un utilisateur de Reddit a publié sur le site un répertoire contenant 5200 articles scientifiques sur les coronavirus dans le but de les rendre accessibles à tous. Ces travaux de recherche, téléchargés depuis la plateforme de téléchargement Sci-Hub, avaient été initialement publiés dans des revues payantes. Symbole d'une dynamique en faveur de la libération des ressources scientifiques contre leur concentration dans les mains de quelques éditeurs spécialisés, le Journal du CNRS revenait longuement sur ce sujet dans son numéro de janvier, en soulignant les difficultés d'un projet de longue haleine.

Les pays de la corne de l'Afrique connaissent depuis le mois de novembre des invasions de criquets pèlerins, prenant au dépourvu certains pays qui y sont peu habitués comme le Kenya, l'Ouganda et la Tanzanie. Le phénomène est régulier, suivant des cycles climatiques connus, mais semble avoir été amplifié par les évènements cycloniques qui ont touché la péninsule arabique l'hiver précédent. La récurrence de phénomènes extrêmes et l'allongement de la période de mousson favorisant la ponte d'une part, et l'élévation des températures augmentant la vitesse de croissance et potentiellement le nombre de pontes dans une saison d'autre part, il n'est pas improbable Selon la FAO que ce type de phénomènes se reproduisent plus souvent à l'avenir.

Echos de la mondialisation

« Le projet associe l'impacteur Dart, conçu par les Américains et l’orbiteur Hera, chargé de mesurer la déviation de l'astéroïde à l'issue de l'impact. (...) Si cette première tentative est couronnée de succès en dépit (des) incertitudes, nous saurons alors que la nature précise de l'astéroïde visé n'est pas nécessairement un élément déterminant pour parvenir à dévier un astéroïde. » Patrick Michel, astrophysicien en charge de la mission Hera

Entrée n°3

Un Forum mondial sur les réfugiés s'est tenu mi-décembre à Genève. L'ONU rappelait à cette occasion que 70 millions de personnes étaient considérées comme déplacées ou réfugiées en 2018. Parmi les causes de ce record, le conflit en Syrie où les violences se poursuivent et impactent la région entière, l'exode principalement économique qui touche le Venezuela et qui concerne environ 15% de la population en 2019, les conflits internes en Colombie ou en République Démocratique du Congo, et les crises climatiques et alimentaires comme au Honduras.

The Conversation publiait le 15 décembre une analyse du rapport Implications of Climate Change for the U.S. Army paru fin octobre et issu d'une collaboration entre diverses agences appartenant au Département de la Défense (DoD) américain. Malgré les positions climatosceptiques du gouvernement américain, le DoD semble prendre très au sérieux les implications du changement climatique sur la doctrine et les méthodes opérationnelles de l'armée et suggère dans son rapport que l'adaptation n'est plus une option. Il identifie les pays touchés par les migrations climatiques comme des zones d'instabilité importantes et de potentiels théâtres d'opération futurs, prenant l'exemple du Bangladesh, où selon l'auteur « le déplacement permanent d'une grande partie de la population est tout à fait probable ». L'espace Arctique est également désigné comme particulièrement stratégique. Plus généralement, les analystes du DoD signalent les risques pesant sur l'approvisionnement en eau, en électricité et surtout en carburant de l'armée à l'étranger, mais également sur les vulnérabilités des infrastructures du territoire national. Pour y remédier, les auteurs suggèrent de poursuivre la recherche dans le domaine du stockage et de la gestion du réseau électriques, de l'efficacité énergétique et de la robotisation.

Un autre rapport émanant d'une division de recherche prospective du DoD explore quant à lui les implications liées à la cybernétique des soldats. Ses auteurs évoquent le développement d'une interface homme/IA, ou encore de systèmes de contrôle musculo-squelettiques optogénétiques (stimulation des muscles par des capteurs implantés sous la peau et produisant des impulsions lumineuses). Mais ils mettent également en lumière certaines problématiques éthiques, juridiques et sociales : le soldat amélioré doit-il être considéré comme un homme, une machine, ou appartient-il à une catégorie nouvelle de soldat ? La convention de Genève s'applique t-elle à lui ? La perception sociale des cyborgs n'étant pas spécialement positive, le soldat augmenté ne risque t-il pas d'avoir encore plus de difficultés à se réinsérer après un conflit ? Faut-il, dans ce cas, le priver de ses prothèses lors de son retour à la vie civile ?

Une autre question agite les autorités du monde entier : qui est le propriétaire du produit d'une intelligence artificielle ? Le tribunal populaire du district de Shenzen Nanshan (Chine) a jugé qu'un article écrit par le programme Dreamwriter appartenait à l'entreprise (Tencent) qui avait développé ledit programme. L'Office européen des brevets, quant à lui, a refusé d'octroyer à l'IA DABUS les brevets demandés par ses créateurs, pour deux inventions qu'elle avait généré. De son côté, l'United States Patent and Trademark Office, le bureau des brevets américain, a ouvert une enquête publique en octobre dans l'optique d'apporter des modifications au droit d'auteur. La question semble plus complexe encore dans le cas d'une utilisation par l'IA de contenus protégés pour son apprentissage initial.

Échos de la mondialisation

« Tous les médecins (...) qui sont arrivés en Équateur ont du passer un examen. Mais cela ne nous faisait pas peur, car il n'y avait pas de questions auxquelles on ne savait pas répondre. » Martha, médecin cubaine

« Pensez-y, si vous avez déposé un échantillon de salive dans un tube pour le faire analyser par une entreprise de généalogie génétique et que l’on vous a annoncé que votre lignée rejoignait des ascendants de tribus guerrières de steppes russes, de braves Vikings qui semèrent le chaos et la destruction en Europe, et d’Égyptiens qui construisirent les pyramides. Il est très probable que vous ayez cette ascendance. Comme moi. » Juan Ignacio Pérez Iglesias, enseignant-chercheur à l'Université du Pays Basque

Entrée n°2

L'emprise combinée de conglomérats géants et d'États sécuritaires sur l'Internet, telle que décrite par Evgeny Morozov, rend de plus en plus crédible l'hypothèse d'un éclatement du réseau mondial en une multitude de réseaux captifs, surveillés et censurés, selon le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres, qui s'exprimait le 25 novembre en ouverture du Forum des Nations Unies pour la gouvernance de l'Internet. À cette occasion, Tim Berners-Lee, un des principaux inventeurs du World Wide Web, a présenté un "Contrat pour le Web" invitant entreprises, États et société civile à promouvoir un réseau vertueux et accessible au plus grand nombre, en s'engageant notamment contre la censure, les atteintes à la vie privée ou la haine en ligne. Conçu en collaboration avec des multinationales déjà condamnées par le passé pour ces mêmes faits, cet appel a suscité de vives critiques, comme celle d'Olivier Ertzscheid, qui répond qu' « on ne sauvera pas le Web en dînant avec ses assassins ». Il réaffirme la nécessité de créer un index indépendant des grandes plateformes numériques, de rendre publique l'architecture des infrastructures algorithmiques de ces dernières, et de créer des outils de régulation contraignants.

Le même jour, l'Internet européen a cessé de grandir, le stock d'adresses IPv4 ayant été épuisé. En attendant le passage à l'IPv6 entamé dès les années 2000, le réseau pourrait devenir plus inégalitaire, avec des offres d'hébergement différenciées en termes de tarifs et d'accessibilité et une flambée des prix de l'IPv4 sur le marché secondaire. Le partage d'IPv4 mis en place par certains FAI pour pallier la pénurie pourrait dégrader certains usages, comme le P2P, le jeu en réseau ou le partage distant, d'autant plus que le nombre d'utilisateurs partageant la même IP sera grand.

Le Kivu, région de République Démocratique du Congo (RDC) frontalière de l'Ouganda, du Burundi et du Rwanda, continue de subir les conséquences des conflits régionaux des années 1990-2000 : le génocide rwandais, la guerre civile burundaise et les deux guerres du Congo. L'insécurité chronique repose sur des confrontations ethniques, héritage d'oppositions cultivées sous l'occupation coloniale, le pillage de ressources minières disputées par chacune des nombreuses forces armées en présence, le déplacement permanent des populations et la résurgence du virus Ebola dans la région. La situation a pris une tournure particulièrement tragique ces dernières semaines. Suite aux massacres récurrents de civils par les miliciens ougandais des ADF (Allied Democratic Forces), des manifestations ont eu lieu à Beni, au cours desquelles sept personnes ont été tuées (23/11 , 02/12). Un camp de la Monusco (Mission de l'ONU au Congo), accusée d'inaction voire de complicité, a été incendié. L'exécution de quatre membre d'une équipe médicale anti-Ebola par les ADF a provoqué le retrait de nombreuses ONG, tandis que des lynchages ont lieu à Beni. Le Haut Commissariat aux Réfugiés annonce 275000 déplacés sur le territoire de Beni, tandis que Médecins sans Frontières affirme que le choléra a refait son apparition au Nord-Kivu.

Entrée n°1

Depuis début juillet et tout au long du mois d’octobre, des pluies exceptionnelles se sont abattues sur de nombreux pays africains de la zone tropicale. Aggravant les crues périodiques et combinées à la pollution plastique des réseaux d’eaux, elles ont provoqué inondations et glissements de terrain, en particulier dans les quartiers pauvres et les zones rurales déjà touchées par la sécheresse. Les inondations qui s’ajoutent à la situation déjà précaire des populations fait craindre un retour de maladies comme le choléra dans plusieurs de ces régions, notamment au Soudan du Sud et en Centrafrique. Plusieurs centaines de milliers de personnes ont été déplacées à travers l’ensemble de ces pays.

La poliomyélite, maladie épidémique pouvant provoquer la paralysie définitive et la mort, touchait plusieurs centaines de milliers de personnes par an jusqu’à la fin du XXème siècle. Le 24 octobre, l’OMS annonce qu’une deuxième des trois souches de la maladie a été éradiquée. En Haïti, l’épidémie de choléra qui durait depuis 2010 semble avoir été stoppée, après avoir provoqué environ 10000 décès pour quelques 800000 cas déclarés. D’après des études réalisées à l’époque, la bactérie mise en cause aurait été apportée du Népal par des casques bleus qui intervenaient suite au tremblement de terre. Accusée d’être à l’origine de l’épidémie, L’ONU n’avait officiellement reconnu son implication qu’en 2016.

La variété de banane Cavendish, qui représente 47 % de la production mondiale, a remplacé la variété Gros Michel, victime dans les années 1950 de la « maladie de Panama ». Aujourd’hui, les monocultures de Cavendish sont touchées à leur tour par une variante de cette maladie. Favorisée par la concentration des cultures et la pauvreté génétique qui caractérisent la monoculture, la propagation de cette souche de la fusariose pourrait provoquer selon la FAO la destruction de 240000 emplois directs d’ici 2028, ainsi que la contamination de variétés consommées localement et qui peuvent représenter jusqu’à 25 % de l’apport calorique journalier dans certaines zones rurales. Tandis que certains laboratoires travaillent à l’élaboration de la prochaine variété de remplacement génétiquement modifiée pour résister à la maladie, l’ONU invite à considérer « la diversification, une meilleure santé des sols et une meilleure utilisation des ressources génétiques disponibles » comme leviers d’action, « en se tournant notamment vers les 1.000 autres variétés de bananes qui existent. »

En août dernier, des employés d’une centrale nucléaire ukrainienne ont compromis la sécurité de cette dernière en tentant de miner des cryptomonnaies depuis le réseau administratif de la centrale. Début novembre, c’est un logiciel malveillant nord-coréen, téléchargé depuis le poste informatique d’un employé, qui a été découvert sur le réseau d’une centrale nucléaire indienne. En France, la loi dite « Énergie et Climat » reportant à 2035 la réduction à 50% de la part du nucléaire dans la production électrique est promulguée. Quelques jours plus tôt, un rapport portant sur la construction de l’EPR de Flamanville mettait en avant la « perte de compétences certaine de la part de la plupart des acteurs concernés ». Le recours à la sous-traitance dans des secteurs stratégiques libéralisés semble y avoir contribué. Dans le même temps, le ministère des armées tente d’impliquer ses partenaires industriels dans sa stratégie de cybersécurité, en ciblant particulièrement leurs sous-traitants, considérés comme des portes d’entrée vulnérables vers les réseaux stratégiques de l’État.

Échos de la mondialisation

« Même lorsque les gens ne protestent pas, ils ont du mal à s’en sortir et veulent être entendus » Antonio Guterres, Secrétaire Général de l’ONU

« J’appartiens à la première génération de scientifiques qui sait que deux tiers des espèces restent à découvrir, et que le quart aura disparu d’ici la fin du siècle » Philippe Bouchet, professeur au Muséum National d’Histoire Naturelle

« On ne réglera pas le problème des inégalités en s’en prenant uniquement aux 1 % les plus riches » Louis Maurin, directeur de l’Observatoire des inégalités

« L’acceptation sociale de la propriété intellectuelle diminue » Mireille Buydens, avocate

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