Entrée n°18

Le 3 juin dernier, une panne des numéros d'urgence chez l'opérateur Orange a touché de nombreuses régions en France. L'ingénieur en télécommunications Hervé Debar explique dans The Conversation que les communications d'urgence reposent à la fois sur le réseau téléphonique commuté (RTC), l'infrastructure historique basée sur des connexions cuivre actuellement en cours d'abandon, et sur la voix sur IP (VoIP), réseau basé sur la fibre optique et les technologies de l'internet. Lors d'un appel, du matériel et des logiciels propres aux deux technologies, dont l'interopérabilité doit être garantie, sont ainsi mobilisées, afin d'interpréter le numéro court et le convertir, localiser l'appel, le transférer au centre d'urgence le plus proche et l'acheminer sur l'un ou l'autre des réseaux. Si l'ingénieur pointe la complexité d'une telle infrastructure et avance l'hypothèse d'une panne logicielle pour expliquer son ampleur, la Confédération Générale du Travail des activités postales et de télécommunications (FAPT-CGT) y voit de son côté la conséquence prévisible du « sous-investissement chronique dans les réseaux et notamment le réseau RTC », très coûteux à entretenir, d' « (u)ne politique de l’emploi mortifère et des pertes de savoir-faire », « (d)es économies et des exigences de délais qui interdisent de tester en amont ces évolutions » et du « transfert massif d’activités vers les constructeurs et vers la sous-traitance offshore ». Trois jours plus tard, ce sont les locaux d'Orange Centrafrique qui sont partis en fumée, privant les abonnés de téléphone et d'internet pour une durée indéterminée.

Tandis que les syndicats français critiquent l'abandon par l'État des télécommunications au secteur privé et à la loi du marché, la course à l'indépendance technologique des États-Unis et de la Chine amène les élus de la première économie libérale du monde à soutenir massivement l'investissement public dans le secteur des nouvelles technologies. Le 8 juin, le Sénat étasunien a approuvé un plan débloquant 54 milliards de dollars à destination de la filière des semi-conducteurs. La chercheuse Mary-Françoise Renard considère que « sur beaucoup de points, ce programme ressemble à une version américaine du plan "Made in China 2025" » lancé en 2015. L'interventionnisme économique des deux grandes puissances peine à trouver un écho en Europe, pourtant dépendante des technologies étrangères. L'industriel allemand Bosch a néanmoins bénéficié de 140 millions d'euros de subventions de l'Union Européenne pour la constructions d'une usine de semi-conducteurs, inaugurée le 7 juin à Dresde.

D'après le Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI), le nombre d'ogives nucléaires déployées et opérationnelles a augmenté depuis l'année dernière. C'est dans ce contexte que le site d'investigation Bellingcat a révélé que des soldats américains, assignés à la surveillance d'armes nucléaires américaines en Europe, avaient utilisé des services en ligne d'apprentissage par cartes mémoires dans le but de retenir un grand nombre d'informations sensibles liées à leur fonction. Accessibles publiquement par défaut, ces cartes mémoires, qui fonctionnent comme un jeu de questions/réponses, contenaient des détails permettant de localiser les lieux de stockages d'ogives nucléaires et de connaître la position des caméras, la fréquence des patrouilles, ou encore certains identifiants ou mots de passe. Plusieurs spécialistes et militants contre le désarmement interrogés par les auteurs de l'enquête estiment que cette nouvelle fuite constitue une preuve supplémentaire que le secret autour des infrastructures nucléaires servirait davantage à éviter un débat public qu'à garantir la sécurité des installations.

Échos de la mondialisation

« (E)n dépit des succès des écrits catastrophistes et des chantres des collapses en tout genre, nous proclamons toujours notre confiance en la science ouverte et la géographie. » Denise Pumain, géographe