Final Fantasy VII
Square, 1997. Final Fantasy VII, Sony Playstation.
Lorsque Final Fantasy VII sort en Europe en 1997, le jeu vidéo a mûri et s'installe durablement comme un loisir populaire et une industrie lucrative, dans un monde devenu un immense marché aux perspectives illisibles. Le modèle capitaliste est sorti vainqueur du XXème siècle, consacrant l'extension du marché comme fin de l'histoire et garante de la paix mondial. La sortie d'un remake prévue le 10 avril 2020 est l'occasion de revenir sur l'univers déployé dans Final Fantasy VII, qui évoque avec une puissance peu commune les enjeux qui traversent son époque.
Des années de conflits armés pour l'indépendance politique et le contrôle des ressources et des marchés entre le tout-puissant conglomérat Shinra et les différentes populations de la planète ont débouché sur la victoire du premier. Investissant massivement dans l'armement grâce aux revenus de son monopole sur le secteur de l'énergie, la Shinra est parvenue à imposer un ordre militaro-industriel, mettant fin à toute forme de structure politique représentative.
Construite autour du siège de la Shinra, la ville de Midgar incarne le fantasme de ses maîtres. Divisée horizontalement en secteurs spécialisés, chacun surmonté d'un réacteur, la mégalopole aux dimensions mythologiques est divisée verticalement en deux niveaux : celui du sol, peuplé des travailleurs pauvres des taudis, que n'atteint pas la lumière du jour et où stagne la pollution ; et la plaque, niveau supérieur ou vivent les puissants et leurs contremaîtres. La ville-usine est le centre du monde et le moteur de l'histoire. Maintenus dans la dépendance par la Shinra qui contrôle l’accès aux biens et possède les moyens de coercition, les laissés-pour-compte des taudis ont construit un sous-ordre social fondé sur l'exploitation et l'absence de justice, tentant de tirer partie du modèle imposé par le conglomérat dirigeant.
La Shinra regroupe toutes les activités essentielles au maintien d'un pouvoir technocratique : production d'énergie, armée privée, laboratoires de recherche, médias, administration et planification. La recherche est l'une de ses activités cruciales : biotechnologies militaires, programme spatial visant la conquête des ressources extra-terrestres, techniques industrielles, le secteur répond aux besoins colossaux nécessaires au développement sans entraves de la société capitaliste, permis par l'absence total de contrôle politique. Ces ambitions se traduisent par un expansionnisme territorial exigeant la soumission, l'expropriation et l'occupation des peuples par la force ou la corruption.
Si les structures d'opposition collectives ont été écrasées lors des précédentes guerres, des résistances isolées existent. Le plus médiatique, érigé en Némésis par la télévision privée, se revendique du terrorisme écologiste. Condamnant l'extractivisme de la Shinra pour son action destructrice de l'environnement et son rôle dans le maintien de la population dans une dépendance indigne, le groupe terroriste AVALANCHE vise la destruction des réacteurs de la ville. A l'aide d'un ancien soldat devenu mercenaire, le groupe tente de fracturer l'édifice totalitaire érigé par la Shinra et de faire naître un désir d'émancipation au sein de la population. Ainsi débute l'histoire de Final Fantasy VII.
La longévité remarquable d'un produit de l'industrie culturelle comme Final Fantasy VII s'explique notamment par la pertinence de son scénario, en prise avec son époque. Les grands thèmes abordés par le jeu - sauvegarde des ressources environnementales, critique du capitalisme, modes d'action face à l'autoritarisme et à la corruption du processus démocratique - vont devenir cruciaux dans les vingts années suivantes. Porté par une conception technique solide et un médium accessible, le scénario de Final Fantasy VII a rejoint la liste des grands récits d'anticipation populaires. À charge pour son successeur de faire aussi bien.