Entrée n°6

La gestion de crise en France continue d'être débattue. Alors que l'état d'urgence sanitaire est créé le 23 mars, le chercheur en droit Vincent Sizaire revient dans The Conversation sur le cadre légal de sa mise en œuvre. « Critères permettant de déclencher l’état d’urgence sanitaire (...) trop extensifs » , « mécanismes de contrôle (par le parlement ou une instance indépendante] insuffisants », possibilité donnée aux préfets de mettre en oeuvre des mesures individuelles et nominatives... Il termine en rappelant que l'état d'urgence proclamé en 2015 était devenu un « instrument de répression extrajudiciaire » permettant de cibler des ressortissants étrangers ou des militants politiques, d'où la nécessité de définir précisément le cadre légal de telles mesures afin de garantir leur nécessité et leur proportionnalité.

Justifiée par de tels dispositifs juridiques, la « pandémie de solutionnisme technologique » qui semble gagner les États du monde entier pourrait renforcer les atteintes aux libertés, et ce dans la durée. Tandis que l'association AlgorithmWatch, dans un article traduit par Framasoft, affirme que « Le COVID-19 n'est pas un problème technologique », Hubert Guillaud, dans un article relayé par la même association, insiste dans cette optique sur le risque de signose, soit le fait de « prendre le signal pour la chose » (en l'occurence, la proximité pour la contamination). Les moyens de surveillance envisagés en France étant basés sur des signaux faibles (proximité de terminaux Bluetooth), qui peuvent être difficilement qualifiables, le risque de produire des interprétations biaisées et donc des décisions inadaptées est selon lui trop élevé. Comme Alain Damasio qui voit dans les restrictions de libertés et la surveillance policière les signes « d'une incompétence sanitaire massive », Hervé Guillaud suggère que la promotion de solutions techniques à l'épidémie tente de maquiller l'échec de la politique sanitaire. Avant d'inviter à « retourner au contact » de l'épidémie, défendant l'idée que « le numérique ne peut pas tout » et qu'il ne peut se substituer au travail. Un avis partagé par le chercheur Antonio Cassili, ou encore par les sociologues Eric Darigal et Olivier Martin, qui tentent d'évaluer l'impact du numérique en période de confinement dans le Journal du CNRS.

Les chercheurs ne sont pas les seuls à défendre l'idée que l'appareil productif, en particulier dans ses formes les plus précaires, est au coeur des enjeux en temps de crise. Alors même que la plupart des pays ont adopté des mesures de confinement, des mouvements de grève et des manifestations ont eu lieu dans les secteurs de l'industrie et de la santé en Iran, en Serbie, en Grèce, en Roumanie, en Bulgarie, au Mexique, au Kazakhstan et au Myanmar. Rapport de Force, qui notait déjà un niveau de mobilisation exceptionnel aux Etats-Unis avant l'épidémie, a relayé le suivi effectué par le site américain PaydayReport, qui a recensé plus de 100 mouvements de grève dans le pays depuis début mars. Comme avant la pandémie les conditions de travail, le manque de personnel et de matériel sont les revendications principales.

Echos de la mondialisation

« Je ne peux séparer ma foi de ma profession. Je pense que c’est un don, les histoires tombent comme ça sur mes genoux quand je suis en phase avec Dieu. C’est probablement parce que Dieu sait que je suis trop bête pour sortir et les trouver par moi-même. C’est tout bonnement incroyable. » Jack Kelley, « patient zéro » de la surveillance de masse sur internet selon Yannick Chatelain

« Zorbas resta à la contempler jusqu'à ne plus savoir si c'étaient les gouttes de pluie ou les larmes qui brouillaient ses yeux jaunes de chat grand noir et gros, de chat bon, de chat noble, de chat du port. » Luis Sepulveda, Histoire d'une mouette et du chat qui lui apprit à voler