Entrée n°5

La chute continue des valeurs financières apparaît comme l'un des signaux les plus menaçants de la pandémie actuelle de coronavirus Covid-19 pour la santé économique des états, celle des activités de production, les salaires et l'emploi. Le 9 mars, face au refus de la Russie de diminuer sa production de pétrole pour accompagner la diminution de la demande mondiale, l'Arabie Saoudite a baissé de 30% le prix de sa propre production. Une décision qui a aggravé la chute des cours de la bourse, déjà minée par le ralentissement de l'économie chinoise et son impact sur les chaînes de valeur mondiales, et qui fait peser un risque de faillites en chaîne sur les producteurs américains de pétrole de schiste, plus cher à produire. La conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) insiste sur la vulnérabilité des économies « émergentes » endettées auprès de la Chine (Afrique, sud-est asiatique, Amérique du sud) et « souligne que la combinaison de la déflation des prix des actifs, d’une demande globale plus faible, d’un endettement accru et d’une distribution des revenus qui s’aggrave » pourrait aussi « déclencher une spirale descendante plus vicieuse ». L'Organisation Internationale du Travail (OIT), de son côté, envisage de 5 à 25 millions de chômeurs et 33 millions de travailleurs pauvres supplémentaires en 2020, en comparaison des 22 millions de personnes qui avaient perdu leur emploi lors de la crise financière de 2008.

A la demande de l'Union Européenne, les plateformes de vidéo à la demande Netflix et Youtube ont commencé à limiter la qualité de leurs contenus afin de limiter leurs débits de données. Le confinement des populations dans de nombreux pays d'Europe a provoqué un recours plus important à internet sur des périodes plus longues. Rejetant l'idée d'un engorgement du réseau, Stéphane Bortzmeyer revient sur les choix techniques qui provoquent les ralentissements parfois observés par les utilisateurs : l'utilisation de sites dynamiques (qui nécessitent des calculs en temps réel gourmands) plutôt que statiques, la sous-utilisation de protocoles comme le pair-à-pair (P2P) qui permettent pourtant de répartir la charge lors d'échanges de fichiers, le refus de la redondance des données au nom de la propriété intellectuelle, ou encore le piège des marchés publics pour les administrations, qui privilégient des entreprises spécialisées dans la réponse aux marchés publics. Selon Stéphane Bortzmeyer, la demande de l'Union Européenne a plus à voir avec une remise en cause du principe de neutralité du net qu'avec une potentielle surcharge du réseau. Pilier d'internet, ce principe exclut « toute discrimination positive ou négative à l'égard de la source, de ladestination ou du contenu de l'information transmise sur le réseau ». Un décision inquiétante selon lui, « car, si on abandonnait la neutralité, on aurait un problème encore plus difficile : qui va décider ? (…) Mais cela ne veut pas dire qu’on puisse gaspiller bêtement cette utile ressource » rappelle l'auteur, invitant chacun à dimensionner son usage de l'outil internet à ses besoins.

La plateforme de calcul distribué BOINC, créée en 2002, permet à des volontaires de mettre la puissance de calcul inutilisée de leur ordinateur personnel au service de projets de recherche portés par des universités du monde entier. Elle atteignait « une puissance totale moyenne de calcul d'environ 33,82 PFLOPS répartie sur environ 477 414 ordinateurs actifs au début de novembre 201 », soit l'équivalent d'un supercalculateur contemporain. Le 27 février, l'Université de Stanford a mis à contribution son programme Folding@Home, basé sur BOINC, pour la recherche sur le coronavirus Covid-19. Une initative relayée par le fabricant de cartes graphiques Nvidia, qui a invité les joueurs propriétaires de ses cartes à participer au projet. L'Université de Berkeley a annoncé de son côté mettre fin au programme Seti@Home d'écoute des signaux extraterrestres, invitant les participants à continuer de soutenir les autres projets de recherche de la plateforme.

Echos de la mondialisation

« Osons une hypothèse. Si le coronavirus Covid-19 est sans précédent c'est parce qu'il (...) nous raconte une histoire qui n'est pas l'histoire de sa propagation, de sa nuisance ou de sa dangerosité. Mais l'histoire de la plupart des enjeux primaires du siècle à venir. L'histoire de la possibilité d'un changement radical de nos modes de vie, de déplacement et de production qui puisse être immédiatement efficace sur la pollution qui nous tue et nous étouffe. L'histoire de notre rapport à la surveillance, au contrôle et au pouvoir. Il y a tant d'autres histoires à raconter autour de ce virus. Les enfants ne semblent pas concernés, comme épargnés, comme témoins. Cela aussi est notre histoire. Et peut-être notre chance. Ne pas essayer de comprendre pourquoi les enfants sont épargnés, mais comprendre que ce que ce virus est en train de redessiner, c'est le monde que nous allons leur laisser. Et qu'il existe encore une chance. Une possibilité. Celle que dans ce monde à venir, ils n'aient pas simplement le choix, entre la peste et le corona. » Olivier Ertzscheid, enseignant chercheur en sciences de l'information