Entrée n°2
L'emprise combinée de conglomérats géants et d'États sécuritaires sur l'Internet, telle que décrite par Evgeny Morozov, rend de plus en plus crédible l'hypothèse d'un éclatement du réseau mondial en une multitude de réseaux captifs, surveillés et censurés, selon le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres, qui s'exprimait le 25 novembre en ouverture du Forum des Nations Unies pour la gouvernance de l'Internet. À cette occasion, Tim Berners-Lee, un des principaux inventeurs du World Wide Web, a présenté un "Contrat pour le Web" invitant entreprises, États et société civile à promouvoir un réseau vertueux et accessible au plus grand nombre, en s'engageant notamment contre la censure, les atteintes à la vie privée ou la haine en ligne. Conçu en collaboration avec des multinationales déjà condamnées par le passé pour ces mêmes faits, cet appel a suscité de vives critiques, comme celle d'Olivier Ertzscheid, qui répond qu' « on ne sauvera pas le Web en dînant avec ses assassins ». Il réaffirme la nécessité de créer un index indépendant des grandes plateformes numériques, de rendre publique l'architecture des infrastructures algorithmiques de ces dernières, et de créer des outils de régulation contraignants.
Le même jour, l'Internet européen a cessé de grandir, le stock d'adresses IPv4 ayant été épuisé. En attendant le passage à l'IPv6 entamé dès les années 2000, le réseau pourrait devenir plus inégalitaire, avec des offres d'hébergement différenciées en termes de tarifs et d'accessibilité et une flambée des prix de l'IPv4 sur le marché secondaire. Le partage d'IPv4 mis en place par certains FAI pour pallier la pénurie pourrait dégrader certains usages, comme le P2P, le jeu en réseau ou le partage distant, d'autant plus que le nombre d'utilisateurs partageant la même IP sera grand.
Le Kivu, région de République Démocratique du Congo (RDC) frontalière de l'Ouganda, du Burundi et du Rwanda, continue de subir les conséquences des conflits régionaux des années 1990-2000 : le génocide rwandais, la guerre civile burundaise et les deux guerres du Congo. L'insécurité chronique repose sur des confrontations ethniques, héritage d'oppositions cultivées sous l'occupation coloniale, le pillage de ressources minières disputées par chacune des nombreuses forces armées en présence, le déplacement permanent des populations et la résurgence du virus Ebola dans la région. La situation a pris une tournure particulièrement tragique ces dernières semaines. Suite aux massacres récurrents de civils par les miliciens ougandais des ADF (Allied Democratic Forces), des manifestations ont eu lieu à Beni, au cours desquelles sept personnes ont été tuées (23/11 , 02/12). Un camp de la Monusco (Mission de l'ONU au Congo), accusée d'inaction voire de complicité, a été incendié. L'exécution de quatre membre d'une équipe médicale anti-Ebola par les ADF a provoqué le retrait de nombreuses ONG, tandis que des lynchages ont lieu à Beni. Le Haut Commissariat aux Réfugiés annonce 275000 déplacés sur le territoire de Beni, tandis que Médecins sans Frontières affirme que le choléra a refait son apparition au Nord-Kivu.